Aaliyah McCormick – Une étudiante en relations publiques parle de son expérience de désapprentissage du racisme intériorisé en tant que femme biraciale.

Aaliyah McCormick a suivi le programme de relations publiques du Collège Algonquin. Elle a obtenu un emploi d’été à la FMJF en tant qu’étudiante se spécialisant en communication.

Nous avons tous entendu dire que le racisme est inné ou acquis, et je crois qu’il en va de même du racisme intériorisé. Étant d’origine biraciale, ma vie est façonnée par des expériences, des conflits, des points de vue, des possibilités et des réalisations uniques. Il y a eu des moments dans ma vie, quand j’étais enfant, où je croyais être la seule personne à être traitée comme je l’étais. Je me demandais pourquoi cela m’arrivait à moi et ce que j’avais bien pu faire pour le mériter.

 Je suis infiniment reconnaissante à la Fondation Michaëlle Jean et aux organisations de ce type de se consacrer à des questions qui concernent des jeunes comme moi. Cela m’incite à être fière de mes origines ethniques et à affronter et à combattre le racisme avec confiance. Dans ces nouvelles, je vous ferai découvrir ma vie, de mon enfance à aujourd’hui, en me concentrant sur mes difficultés, mes obstacles et comment je les ai surmontés pour devenir la femme que je suis à présent, accompagnée par la FMJF.

Lorsque j’étais petite, ma grand-mère me conduisait à l’école et venait me rechercher après l’école parce que ma mère travaillait sans cesse. J’aimais aller chez mes grands-parents sur la base après l’école, je cuisinais des desserts avec ma grand-mère, nous allions au parc, nous lisions et elle m’aidait à faire mes devoirs. C’était la première fois de ma vie que j’avais l’impression de faire partie d’une vraie famille et que les personnes qui m’entouraient m’aimaient vraiment. Ce sentiment de bien-être a été de courte durée, car ma mère et mes grands-parents se sont disputés au sujet des origines de mon père biologique, qui était jamaïcain, et de la couleur de ma peau. Après cette dispute, je n’ai plus vu mes grands-parents ou le reste de ma famille.

Cela a été une période très difficile pour moi. Je devais comprendre que je n’avais pas mon père et sa famille, et maintenant, même pas celle de ma mère. Je me sentais terriblement seule et je pensais que c’était de ma faute parce que j’étais la seule « McCormick noire ».

La maternelle a été une autre expérience instructive pour moi. Après avoir coupé les ponts avec ma famille, ma mère me déposait tous les jours à l’école une heure avant le début des classes. Un après-midi, un groupe de filles blanches de ma classe a vu ma mère qui était venue me chercher. Le lendemain, elles se sont moquées de moi en me disant que j’étais adoptée. Elles ont continué pendant des mois. J’essayais de me défendre, j’insistais que je n’étais pas adoptée, mais elles continuaient de se moquer de moi. Elles me demandaient pourquoi j’étais noire, alors que ma mère était comme elles. À six ans, je n’avais pas de réponse à cette question. Je me rappelle être rentrée bien des fois à la maison pour me précipiter dans la salle de bain où je me lavais les mains pendant des heures. Je les brossais jusqu’à m’écorcher la peau en souhaitant que la couleur de celle-ci s’éclaircisse.

À l’école primaire, il était évident qu’un fossé séparait les élèves noirs des élèves blancs. On me questionnait sans arrêt sur mes cheveux. « Pourquoi sont-ils tellement frisés? Pourquoi sont-ils comme ça? Est-ce que je peux les toucher? Comment tu fais pour te coiffer? » Les questions ne m’embêtaient pas tellement, mais les plaintes et acharnements, oui. Un jour, en classe, l’élève assis derrière moi m’a dit tout fort en râlant qu’il ne voyait rien à cause de ma tignasse. J’ai levé la tête, toute la classe avait les yeux rivés sur moi et beaucoup d’élèves riaient. J’étais dévastée. Je me rappelle qu’en rentrant à la maison ce soir-là, j’ai supplié ma mère de me laisser rester à la maison le lendemain, mais elle m’a rappelé qu’il n’y avait personne pour me garder et que j’étais trop jeune pour rester seule.

Tout au long des années d’étude à l’école élémentaire et intermédiaire, je n’ai laissé personne voir mes cheveux détachés. Je les coiffais mes cheveux en un chignon serré tous les jours et même la nuit. Je me suis mise à détester mes cheveux. Je détestais déjà ma peau. Je commençais à me détester et à détester mes origines.

Au secondaire, j’ai remarqué que les élèves devenaient plus sournois dans leurs commentaires et leurs insultes. Comme j’étais noire, mes camarades de classe n’arrivaient pas à croire que je sois végétarienne. Maintes fois, j’ai entendu des réflexions comme « Comment ça se fait que tu ne manges pas de poulet, alors que tu es noire? Est-ce que tu es vraiment noire si tu ne manges pas de poulet? Tu n’es pas une vraie Noire parce que tu n’aimes pas le poulet. » On se moquait aussi de ma morphologie en termes désobligeants. On s’acharnait aussi au genre de musique que j’écoutais étant donné la couleur de ma peau.

Les conflits que j’avais déjà connus m’avaient bien préparé à cette période de ma vie. Je ne réagissais pas du tout. Les situations m’éprouvaient certes mentalement, mais ce qui est plus important, c’est que je n’avais pas de sentiment négatif envers moi-même ou mes origines. J’ai gardé cet état d’esprit dans ma vie professionnelle.

Après mes études secondaires, j’ai trouvé un emploi de technicienne non agréée en pharmacie. Un jour, une cliente de la pharmacie a demandé une bouteille d’eau – nous les offrions aux clients. Je suis allée lui en chercher une au réfrigérateur et sa réaction a été : « Non, pas vous, je ne veux pas être servie par les gens de votre espèce ». Une de mes collègues blanches lui a donc tendu la bouteille. Elle n’avait aucun problème à ce qu’elle s’occupe d’elle. Je n’ai pas réagi à la situation, mais mon gestionnaire était très gêné. Il a parlé à la cliente et lui a demandé de s’excuser. J’ai accepté ses excuses, tout en sachant qu’elle n’était pas sincère. Elle a dit qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait dit cela, étant donné que sa petite-fille était métisse, ce qui n’a fait que m’inquiéter encore plus en pensant à cette petite fille et à sa relation avec sa grand-mère.

Toutes ces expériences, la mesquinerie, les commentaires racistes, la haine de soi et le chemin parcouru pour m’accepter en tant que femme noire m’ont fait comprendre qu’il faut lutter contre le racisme bien plus tôt avec les enfants afin que la nouvelle génération n’en soit plus victime. Nous ne pouvons pas continuer de laisser de jeunes enfants se détester, détester leurs origines et développer un racisme intériorisé. Il est de notre devoir à tous d’apprendre aux jeunes générations à se montrer résolues et déterminées et, surtout, à se sentir honorées de la couleur de leur peau. C’est pourquoi j’ai choisi une carrière dans les relations publiques, pour faire part à ma communauté et, je l’espère, un jour au monde, de mes objectifs et de mes aspirations, qui sont d’améliorer la vie des jeunes provenant de minorités visibles. La Fondation Michaëlle Jean ne marque que le début de ma conquête.